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Lettre de la FNDP #8 : Droit des biens

Actualités réglementaires

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02/07/2018


DROIT DES BIENS



 L’indivision a été mise à l’honneur durant ce premier semestre 2018 comme l’illustrent trois arrêts rendus par la Cour de cassation. 

 Indivision et proportion : Cass. 1ère civ., 10 janvier 2018, n°16-25190 (n° 15 F-P+B)


« Vu l’article 815 du code civil, ensemble l’article 1134 du même code, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ;
Attendu que ceux qui achètent un bien en indivision en acquièrent la propriété, quelles que soient les modalités du financement ; (…)
Qu’en statuant ainsi, alors qu’ayant acheté le bien en indivision chacun pour moitié, M. Y... et Mme Z... en avaient acquis la propriété dans la même proportion, la cour d’appel a violé le texte susvisé ; (…) ».


Des constructions ont été édifiées sur les deux parcelles appartenant en indivision à deux personnes. Le litige portait sur la proportion des droits des indivisaires suite à ces travaux de construction. La Cour d’appel ne retient pas la répartition contractuelle, 50% chacun qui avait été déterminée dans l’acte notarié d’acquisition des parcelles et s’engouffre dans des calculs complexes basés sur la participation financière des indivisaires.

Or, il convenait d’appliquer aux constructions la même fraction, à savoir 50% pour chaque indivisaire en application du mécanisme de l’accession par incorporation. En effet, les parcelles ont bénéficié d’un accroissement qui profite de la même manière et dans les mêmes proportions à leurs propriétaires indivis. Par conséquent, les parties sont bien indivisaires à hauteur de 50% chacune de ces parcelles désormais bâties.
Cet arrêt a le mérite de rappeler certains principes : dès lors que l’indivision a son origine dans un contrat, les modalités de constitution de cette propriété collective sont déterminées par la volonté des parties. Ainsi, comme il était stipulé dans l’acte notarié que « M. Y... et Mme Z... ont acquis indivisément et pour moitié chacun », leur quote-part est établie et ne saurait être modifiée par la prise en compte de la contribution effective de chaque indivisaire dans le financement des travaux de construction (Cass. 1ère civ., 19 mars 2014, n° 13-14.989 : Bull.civ.I, n°46).

- Indivision et adjudication d’un bien indivis au profit d’un coindivisaire : Cass. 1ère civ., 11 avril 2018, n°17-17495 (F-P.B)

« Vu l’article 815-9 du code civil ;
Attendu que, pour condamner M. Z... au paiement d’une indemnité d’occupation à compter du 1er février 2002 jusqu’à la date du partage définitif, l’arrêt relève que, dès lors que celui-ci s’est substitué à l’adjudicataire par la mise en oeuvre d’une clause d’attribution prévue au cahier des charges, il ne deviendra propriétaire exclusif du bien, conformément à l’article 834 du code civil, qu’au jour du partage définitif, qui n’est pas encore intervenu ;
Qu’en statuant ainsi, alors qu’après s’être prévalu de la faculté de substitution prévue au cahier des charges, M. Z... avait été déclaré adjudicataire du bien, ce qui emportait transfert de propriété à son profit et cessation de l’indivision à compter du jour de l’adjudication, la cour d’appel a violé le texte susvisé ;(…) »

En l’espèce, un indivisaire a fait jouer la faculté de se substituer à l’acquéreur d’un bien indivis dans le cadre d’une adjudication, faculté qui était prévue dans le cahier des charges de la licitation (Cass. 1ère civ., 18 mars 2015, n°14-11299).

La question posée à la Cour de cassation concerne les conséquences d’une telle substitution et notamment si elle peut être considérée comme un
partage. L’enjeu était le calcul d’une indemnité d’occupation pour jouissance privative : cette indemnité est-elle due jusqu’à la déclaration de la qualité d’adjudicataire de l’indivisaire ou jusqu’au partage définitif de l’indivision ?

Très logiquement, la Première civile s’attachant à constater les effets translatifs de l’adjudication, censure la Cour d’appel car le bien est désormais sorti de l’indivision. Même s’il demeure des biens indivis entre les parties, il ne saurait être reconnu l’existence d’une indemnité de jouissance privative pour un bien qui n’en fait plus partie. Ainsi, l’indemnité de jouissance privative s’arrête au jour de la déclaration de la qualité d’adjudicataire de l’indivisaire et cette déclaration équivaut à un partage partiel de l’indivision, à sa cessation partielle.

- Indivision et action en bornage : Cass. 3ème civ., 12 avril 2018, n°16-24556 ( FS-P+B+I)

Quelle est la nature juridique de l’action en bornage ? Acte conservatoire, acte d’administration ou acte de disposition ? La réponse à cette question était l’enjeu de l’arrêt rendu le 12 avril 2018 par la Troisième chambre civile de la Cour de cassation dans un contexte d’indivision. En l’espèce, des indivisaires avaient assigné en bornage leurs propriétaires voisins mais cette demande a été jugée irrecevable par les juges du fond pour défaut de pouvoir car l’action en bornage serait un acte « d’administration et de disposition requérant le consentement de tous les indivisaires ».

La Cour de cassation après une période d’hésitation a fini par fixer sa jurisprudence en la matière. La qualification d’acte conservatoire avait été initialement retenue par la Troisième chambre civile (Cass. 3ème civ., 10 octobre 1995, n°94-10263) puis elle a opéré un revirement avec un arrêt en date du 9 juillet 2003 (n°01-15613 : Bull.civ. III, n°155) : « alors qu’une action en bornage entre dans la catégorie des actes d’administration et de disposition ».

La décision du 12 avril 2018 affine implicitement la qualification : l’action en bornage est un acte d’administration, « (…) qu’ayant relevé (…) que les consorts Y... n’étaient pas les seuls propriétaires indivis de la parcelle [...] et ne justifiaient pas du consentement d’indivisaires titulaires d’au moins deux tiers des droits indivis, la cour d’appel a retenu à bon droit que leur action entrait dans la catégorie des actes prévus à l’article 815-3 du code civil et en a exactement déduit qu’elle était irrecevable ; ».


Céline KUHN

Maître de conférences

Co-directeur du Master 2 Droit du patrimoine à l’Université de la Réunion.






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